RETOUR D’EXPERIENCE

Massage thaï : le pétrissage douloureux qui fait du bien

Pétrir le corps

Lucile Sauzet
7 avril 2018

L’espace d’un moment, je ne sais plus si ça fait du bien ou si ça fait mal. Allongée sur un fin matelas au sol en tenue traditionnelle thaï  à Bangkok, je suis prête pour mon massage. La masseuse, avec qui je ne partage que le langage du corps, est à genoux face à moi et commence par me saluer d’un geste du buste. À partir du moment où elle pose ses mains sur moi, commence une chorégraphie à deux corps : l’un entraînant l’autre dans une série de gestes fluides et précis.

Chaque partie de mon corps fait l’objet d’une attention particulière. La masseuse exerce des pressions sur mon corps avec des parties du sien et me met en étirement par le balancement de son poids. Je ne peux m’empêcher d’observer sa gestuelle, associée à un savoir-faire fin. Chaque pression ou étirement est associée à une posture et à un geste précis qui est optimisé autant pour moi que pour elle. Pour masser des points sur mon corps, elle ne procède pas avec la vue, puisque je suis habillée, mais par le toucher. Elle utilise tout son corps pour assurer un appui juste. Les pressions sont parfois larges, avec par exemple la paume de la main ou la plante du pied. Avec le pouce ou le coude, la pression est plus ponctuelle et plus puissante. La stimulation forte sur un muscle est au pire douloureuse et au mieux inconfortable, et pourtant elle procure une sensation agréable. Ce ressenti douloureux est nécessaire pour forcer le muscle à se détendre. Souvent, j’appuie sur mes cervicales tendues en imaginant que ce geste ramollit mes muscles. Car me sentir contractée ou dure sans raison est incohérent et inconfortable. Connaissant le bénéfice de cette douleur, je ne souffre pas. Au contraire, ces stimulations sont même liées à du plaisir. De même, les étirements me procurent une sensation positive : gagner en souplesse et en amplitude de mouvement me donne un sentiment de grandeur et de puissance à venir. Mon corps s’étend et se détend, il devient malléable. Atteindre un état de confort m’a demandé une intention, je ne dirais pas un effort, mais un cheminement volontaire, que le savoir-faire de la masseuse m’a aidé à parcourir.
Le massage de la matière corporelle impacte tout l’individu, elle laisse son empreinte en modifiant l’état des muscles, la circulation des énergies et le sentiment de soi. Masser est donc comme pétrir de la « pâte-corps » en profondeur, associée à des sensations entre plaisir et douleur. La détente, souvent associée à la recherche de confort, apparaît ici comme un état plus intentionnel que matériel. Seul le corps malléable se laisse déformer, et accède à des ressentis, source de savoir et de sensations. Je suis designer, c’est-à-dire que je pense les usages et la conception de service, produit ou espace. Un des outils de conception du design est la réalisation de scénario d’usage qui me permet de mettre en lien les différents acteurs dans un processus cohérent et intelligible. Souvent la logique et le pragmatisme prennent le dessus sur la dimension sensible des usagers, ceux-ci étant traités souvent à tors comme des données stables. Je pense qu’il faut donner plus d’amplitude aux ressentis dans la conception des scénarios du corps. Pour cela, nous ne devons pas exclure la douleur ou l’effort, associés à tort à des ressentis négatifs, mais penser des scénarios qui replacent les corps sensibles au coeur de la démarche.

Lucile Sauzet, est designer, formée à l’ENSCI-Les Ateliers. Passionnée par les pratiques qui impliquent le corps en mouvement, sa pratique de la danse nourrit son métier de designer, qui constitue beaucoup à chercher et expérimenter sur la notion d’usage. Elle est co-fondatrice de Fluxinitiative.

Les publications

Flux initiative rassemble des ressources, écrites par ses contributeurs, praticiens et penseurs du corps. Ils partagent et questionnent leurs réflexions, intuitions ou ressentis sur les thèmes : faire penser le corps, penser l’ondulation, ressentir les frontières corporelles, pétrir le corps, penser la respiration, déverrouiller le bassin et enfin penser la circulation. Ces réflexions mêlent le vécu et l’expérience, en immersion, à des références théoriques, en surplomb.
RETOUR D’EXPERIENCE
Déverrouiller son boule avec le mapouka

Lucile Sauzet

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RETOUR D’EXPERIENCE

Déverrouiller son boule avec le mapouka

Lucile Sauzet

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Ils partagent et questionnent leurs réflexions, intuitions ou ressentis sur les thèmes : faire penser le corps, penser l’ondulation, ressentir les frontières corporelles, pétrir le corps, penser la respiration, déverrouiller le bassin et enfin penser la circulation. Ces réflexions mêlent le vécu et l’expérience, en immersion, à des références théoriques, en surplomb.

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Déverouiller son boule avec le mapouka

Lucile Sauzet